Un siècle de fureurs
Textes Paul Claudel, Charles Péguy et Georges Bernanos
Adaptation et Mise en scène Gérald Garutti
Claudel, catholique et conservateur, voit en Péguy, épris d'anarchie et d'anticléricalisme, une âme chrétienne. L'anarchie et la révolution pour l'un, la tradition et la religion pour l'autre, les deux discours semblent irréductibles. Pourtant, l'échange a lieu et il éclaire avec précision les questions qui ont marquées la France du début du vingtième siècle : l'affaire Dreyfus, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la montée du socialisme en Europe... Quand Bernanos se joint au concert, une troisième bannière se lève comme une autre tombe et que la position de Claudel se radicalise. Au coeur de cette réflexion à trois voix : l'impossible justice humaine.
Trois voix se répondent et se disputent, et un discours sur les transformations du monde prend forme. Claudel, Péguy et Bernanos posent sur les événements un regard critique et iconoclaste. De leurs divergences émanent des questions communes, une profonde inquiétude et une colère non dissimulée face au progrès de la barbarie, à la crise des valeurs et à la bassesse des dirigeants.
Outre l'impossible justice, Claudel, Péguy et Bernanos sont tous trois en quête de héros et de saints. Pour l'un, le peuple est souverain et ses défenseurs héroïques. Pour l'autre, seul le Christ compte et pour le troisième, le héros et le saint se trouvent en l'homme, quand il est revenu de la souffrance. Le spectacle des guerres (Première et Seconde Guerres mondiales, Guerre d'Espagne, Guerre froide) et des dictatures relance sans cesse ce besoin inavoué d'idéalisme.
A travers Un siècle de fureurs la pensée de Paul Claudel, son regard sur le monde évolue profondément. Il occupe d'abord une position double, à la fois engagée et en surplomb, du fait de ses exils. Péguy est source de questionnement. De moins en moins apte à la nuance et de plus en plus réactionnaire, la confrontation avec Bernanos est plus frontale. Le recul sur les événements change de nature : victime d'un choc, Claudel radical, Claudel horrifié et ébranlé dans ses convictions profondes, se laisse finalement aller au désespoir : après le nazisme, après la collaboration de l'Eglise, Staline. C'en est trop. Si l'injustice est inhérente à l'homme, en est-il de même de l'inhumain ?
Avec Lori Besson, Olivier Borle, Jeanne Brouaye, Christiane Cohendy, Nine de Montal, Julien Gauthier, David Mambouch, André Marcon, Jérôme Quintard, Julien Tiphaine, Clémentine Verdier et les comédiens de la troupe du TNP
Production : TNP et Rencontres littéraires de Brangues
Création Château de Brangues (Isère) le 28 juin 2009
"Le montage faisait la part belle aux extraits de correspondances, de textes critiques ou d'écrits intimes.
Exercice délicat où des citations décontextualisées risquent toujours de prêter à des faux-sens, voire des contresens, mais que Gérald Garutti réalise avec un vrai sens dramatique et une grande rigueur intellectuelle."
Pascal Lécroart,
Rencontres de Brangues, 27 juin 2009